Un monument historique du XVIIIe siècle

L’histoire du château de Réveillon

Une grande architecture

Non loin du Grand Morin, affluent de la Marne, se dresse le château de Réveillon de style Louis XIII classé monument historique. Construit selon un plan en U, il est doté de tours d’angle carrées du XVI° siècle et de vastes communs bien conservés des XVII° et XVIII° siècles. Il se dresse sur les fondations d’une forteresse médiévale plus ancienne entourée de douves sèches. Il doit à la pauvreté en pierres de la Champagne et de la Brie son architecture en briques et moellons caractéristique des villes de Troyes et de Sézanne réservant la pierre de taille aux encadrements des ouvertures. Commencés en 1596 ou 1607 selon les sources, les travaux s’achèvent en 1617.
Aujourd’hui, après plusieurs décennies de restauration, nous vous proposons de visiter ce monument historique, ou de séjourner dans l’une de ses chambres.

Splendeur et décadence d’une grande famille Champenoise

Les Seigneurs de Réveillon étaient alors Claude II d’Ancienville et son épouse Judith Raguier. La famille d’Ancienville était protestante et apparentée aux Sully. Les d’Ancienville firent les guerres de religion du côté protestant, et c’est avec l’autorisation du roi Henri IV que le château fut reconstruit. Il fut aussi richement doté en terres comme en témoigne l’importance du pigeonnier, car le nombre de nids de pigeons autorisé était proportionnel à la surface du domaine. Quand ce pigeonnier fut construit en 1692 près d’un siècle après le château, les terres dont il mesure la surface avaient été déjà amputées, mais sa taille encore majestueuse laisse deviner ce qu’elles furent initialement.

Un monument historique du XVIIIe siècle

Reconstruire un château, élargir ses fenêtres afin d’y faire entrer davantage de lumière, est ruineux. A court d’argent, Pompée d’Ancienville, fils de Claude, revend en 1640 le château à Michel Larcher, président de la cour des comptes. Michel Larcher acquiert également le château d’Esternay que Pompée avait reçu en héritage de sa mère. Une expertise du château de Réveillon effectuée par Michel Villedo, « Maître Général des œuvres de Maçonnerie des bastiments du Roi », nous apprend que le château n’était pas achevé. Ses murs étaient nus et sans lambris.

Michel Larcher conserva très peu de temps Réveillon. Il le revendit en 1642 à Jean Galland, Notaire et Conseiller du Roi, pour la somme de 118 000 livres.

Sous Louis XIV

Dans la seconde moitié du 17° siècle, le château passe successivement entre les mains de :

  • Jean Galland (1642-1672),
  • Anne Fieubet de Launay (1672-1712)
  • et Philippe Millien (1712-1719).

D’après un acte de 1663, c’est sous Jean Galland, le notaire du Roi, que le jardin à la française et les allées qui constituent le cadre de verdure de Réveillon furent dessinés d’après les plans de Charles Le Nôtre, architecte des jardins du roi Louis XIV. Jean Galland fit notamment planter l’allée de Retourneloup, perspective arborée aujourd’hui disparue, située dans la continuité du jardin à la française côté Est.
Elle était composée de quatre rangées d’ormes formant une allée centrale et de deux contre-allées. À l’intérieur du château, Jean Galland achève les travaux laissés en jachères par Pompée d’Ancienville et garnit les murs nus de leurs boiseries de style Louis XIV.

Un grand ministre embellit le château

En 1719, René Louis Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson, surnommé La Bête, à cause de la rusticité de ses manières, acquiert le domaine. Ce haut personnage fut d’abord intendant du Hainaut de 1720 à 1724, puis ministre des Affaires étrangères de Louis XV de 1744 à 1747. Son grand-père était le célèbre ministre de la Police de Louis XIV qui rétablit la sécurité à Paris en expulsant manu militari les brigands qui infestaient la Cour des Miracles, un mauvais lieu séculaire de la capitale. Le marquis d’Argenson fit construire un deuxième pont sur les douves ainsi que deux frontons sur les côtés Est et Ouest soutenus par des pilastres de pierre de taille. C’est à cet « esprit fort » déjà acquis aux Lumières qu’on doit la remarquable décoration du fronton Est représentant la déesse Minerve en protectrice des arts et, chose nouvelle, des sciences. C’est encore lui qui fit apposer dans le grand vestibule du château les belles illustrations des fables de La Fontaine du peintre Claude III Audran, l’un des créateurs du style Louis XV, et dans les salons du premier étage, la série des onze châteaux royaux de Martin des Batailles.

L’architecte du Roi

En 1730, ayant fait le compte de ses dettes, le marquis s’avisa qu’elles se montaient à 300 000 livres, valeur de la terre de Réveillon, ce qui le conduisit à la vendre pour ce prix. Ainsi l’acquit Jules-Robert de Cotte, architecte du roi.

Son père, Robert de Cotte, premier architecte du roi et directeur de l’Académie Royale d’Architecture, était élève de Mansart. Il acheva le dôme des Invalides et construisit les stalles de Notre Dame. À Jules Robert son fils, on doit le portail de l’Eglise St Roch à Paris et l’admirable évêché de Verdun. Il embellit le château des peintures de Jean Baptiste Oudry, peintre animalier des tableaux de chasse du roi Louis XV.

C’est encore lui qui fit construire la noble grille d’honneur de style Louis XV qui ferme la cour à l’Ouest ainsi que les gracieuses écuries au nord.

L’Impératrice des Roses

Jules Robert de Cotte meurt en 1782 avant la Révolution. Son domaine n’est pas vendu comme bien national. Son héritière, Jenny de Monblin, le vend sous Napoléon au général Haber, gouverneur de la Catalogne pendant la guerre en Espagne. La belle-famille du général était une pépinière de talents artistiques. Le château échoit à l’une de ses descendantes, Madeleine Lemaire, laquelle va s’affirmer comme un peintre de fleurs et de portraits de grande notoriété à son époque. Ses aquarelles lui valurent le surnom d’ « Impératrice des roses » que lui décerna Anatole France. Elle fut quelque temps professeur de dessin botanique au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris. Elle illustrait romans et revues, et le marché de l’illustration était suffisant au 19° siècle pour lui permettre de vivre de ses pinceaux.  Alexandre Dumas Fils, Jules Lemaître, Anatole France, fréquentèrent son salon parisien, rue de Courcelles, dont l’atmosphère détendue venait du fait qu’elle était parvenue à ne le faire classer ni comme dreyfusard ni comme anti-dreyfusard.

Tout Paris s’y pressait le mardi. Le jeune Marcel Proust tenait alors la chronique mondaine au Figaro. Il y dépeint ducs et ambassadeurs grimpant sur les chaises pour observer par-dessus l’épaule du voisin Madeleine Lemaire « aquareller les roses avec leur rosée » dans son atelier. Est-ce la satire du salon de Madeleine Lemaire que brosse l’auteur de « Du côté de chez Swann » dans celui de Madame Verdurin ? Madeleine Lemaire recevait aussi à Réveillon. Nombre de personnages de la haute société parisienne viendront ainsi briller au château, en premier lieu le marquis de Montesquiou, que Marcel Proust dépeindra sous les traits du Baron de Charlus dans « A la recherche du temps perdu », et dont l’art de la conversation mondaine était célèbre. Madeleine Lemaire mourut désargentée en 1928, laissant un château déjà dégradé à sa fille Suzanne.

Le berceau des œuvres de Marcel Proust

Mentionnons ici un épisode de la vie du château qui lui mérite son titre de monument historique, car il va infléchir l’Histoire de la littérature dans laquelle l’œuvre de Marcel Proust marque de l’avis général un point d’inflexion majeur.  En 1893 et 1895 Madeleine Lemaire accueille à Réveillon, deux jeunes gens qui se lient d’amitié, Marcel Proust et le compositeur Reynaldo Hahn.

Ce dernier va persuader Proust que sa vocation est d’écrire des romans plutôt que des chroniques mondaines. Madeleine Lemaire illustrera de ses lithographies son premier roman, « Les Plaisirs et les Jours ». Proust s’y délecte des vieux marronniers des allées du parc. Puis, dans « Jean Santeuil », roman autobiographique inachevé de ses séjours au château, Proust transporte celui-ci sur les bords du Loing et lui invente pour seigneurerie une famille des ducs de Réveillon.

C’est donc à Réveillon que furent semés, grâce à Reynaldo Hahn, les germes littéraires qui s’épanouiront dans « Contre Sainte Beuve » et « A la Recherche du temps perdu ».

Les guerres et la paix du XXème siècle

Les deux guerres de 1914-1918 et 1939-1945 ont relativement épargné ce château fort exposé. En 1914, lors de la bataille de la Marne, la ligne des combats flotta quelques jours à une dizaine de kilomètres du château qui servit de poste de commandement et d’hôpital pour soldats blessés. Le 13 juin 1940, le 58° Régiment d’Artillerie perdit héroïquement la moitié de ses hommes pour défendre, sans espoir de renfort, le passage du Morin face à une division Panzer qu’il parvint à stopper vingt-quatre heures, épargnant la captivité à une brigade menacée d’encerclement. Le colonel Rousset tenait son PC dans le château. Il survécut, rejoignit De Gaulle et fut tué au débarquement allié de Haute Provence. Un petit musée conserve au château la mémoire de son fait d’armes. Le château servit ensuite de kommandantur à l’occupant. Il conserve quelques inscriptions de la Wehrmacht sur ses portes. Le 58° régiment fut dissout en 2004.

Après le décès de Suzanne Lemaire en 1947, Réveillon, déjà très dégradé, passe entre les mains d’une famille qui le laissa également dépérir, bien qu’elle l’ait fait classer monument historique en 1948, et qui le dépouilla de la moitié des peintures qui rehaussaient ses lambris. Depuis 1992, les nouveaux propriétaires, M. et Mme Besançon, ont entrepris une campagne de restauration trentenaire le sauvant d’une ruine annoncée, incluant la grande composition architecturale de ses communs, respectueuse de son caractère, et soucieuse de la pérennité de cet élément important du patrimoine national.

Contactez-nous

Si vous souhaitez visiter le Château de Réveillon, découvrir son parc, organiser une réception ou réserver un hébergement, n’hésitez pas à nous contacter par téléphone au 03 26 80 38 88, ou par mail chateau-reveillon@spnb.fr .

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